Corinne (France)

Avez-vous apprécié ces séance de pratique philo? Oui, non, et pourquoi?

Oui, j’ai progressivement pris goût à ces séances en en comprenant l’enjeu pour la pensée et la connaissance de soi, ainsi qu’en témoignent mes conclusions très détaillées, à la fin des consultations, inlassablement qualifiées de denses, fécondes ou formatrices..

Qu’avez-vous appris durant ces séances?

J’ai appris à être moins impatiente dans mon cheminement intellectuel,  à accepter un renversement des rôles : accepter d’être guidée et d’appréhender autrement le travail philosophique. J’ai appris en quoi la démarche rationnelle objectivait aussi la subjectivité, celle-ci ne se déployant pas dans la narration mais se révélant, paradoxalement, dans l’effacement du Je.

Ces séances sont-elles utiles pour votre travail?

La méthodologie en jeu (problématiser en vue de provoquer un changement de paradigme, objectiver la logique d’une argumentation, différencier les questions de clarification, d’explicitation, de conceptualisation et de problématisation, évaluer les réponses lors d’une consultation, proposer des hypothèses pour interpréter un texte philosophique ou bien un mythe,  porter attention à la forme de la question et au choix des termes…) s’est précisée tout au long de ce tutorat. Le réinvestissement de ces compétences me semble évident dans mon activité d’enseignante formatrice, mais aussi d’animatrice de débats et ateliers philo.

Ces séances sont-elles utiles pour votre vie ?

Elles m’ont permis d’objectiver plus finement mon mode de fonctionnement cognitif mais aussi émotionnel, au regard de la dimension performative de la parole, du choix jamais innocent des questions posées ou des réponses apportées, des temps de latence, des stratégies d’évitement ou résistance à l’oeuvre face à certaines consignes ou questions déstabilisantes. Cela a mis en exergue la dualité entre ma dimension intellectuelle forte, stable, et par là rassurante, mais aussi élaborée comme construction défensive, posture de contrôle suturant un sentiment d’insécurité, et mon côté sensible, créatif, vulnérable et parfois immature, aspirant à l’autonomie, au lâcher-prise, à une reconnaissance qui ne peut pas passer par la complaisance de la narration mais par l’autorisation à la légèreté, à l’accueil de l’imprévisible comme épreuve joyeuse de la vie.

Quelque chose vous a t-il troublé ou dérangé pendant ces séances?

La tension entre ces deux parties, entre objectivité et subjectivité, s’est révélée comme déstabilisation cognitive, difficulté à devoir choisir, à être concise (conceptualisation en un seul mot), à répondre à une consigne qui pouvait avoir des résonances avec une problématique existentielle. Le guidage très fort n’était pas d’emblée confortable.  La qualification de ce que je suis au regard de mes réponses m’a perturbée en un premier temps : sentiment d’un jugement ontologique ne prenant pas acte de l’épaisseur de la personne, mais j’en ai vu l’intérêt au terme du processus engagé.

 

Anaïs (France)

Lorsque je parle de cette expérience de tutorat autour de moi, je dis qu’elle m’a permis de comprendre, en le vivant, ce qu’est la maïeutique. En effet, plusieurs fois lors de ces séances, lorsque je me suis trouvée face à mes contradictions de raisonnement et que j’ai été guidée pour les transcender, cela m’a semblé difficile comme un accouchement de moi ! J’ai trouvé que ma vie quotidienne en était changée, et notamment dans mon rapport aux tensions et à la souffrance, qui est devenu presque ludique, en tout cas des opportunités de mettre en oeuvre quelques compétences d’analyse de mon discours et de mon raisonnement.

Les pratiques expérimentées lors de ce tutorat étant complètement nouvelles pour moi, je me sens chanceuse d’avoir découvert une telle palette d’exercices possibles. J’ai aussi apprécié d’avoir une interlocutrice privilégiée et de vivre quelques échanges avec des personnes différentes ; le tutorat en a été plus riche et cela m’a permis de comprendre qu’il y a autant de pratiques que de personnes, et donc de me détacher de l’idée d’une méthodologie unique et stricte.

Lors de nos interactions j’ai aussi pu constater que j’étais complexée par mon manque de culture philosophique et d’éducation en la matière ; complexe souvent renforcé par les approches académiques (lectures, cours en ligne, etc.). Via ce tutorat j’ai apprécié de découvrir à quel point les questions de la réalité de la vie de chacun sont des supports qui peuvent engager Monsieur et Madame Toulemonde dans une pratique philosophique ; j’en avais la conviction sans savoir comment le formaliser.